CARNET DE ROUTE DE MON DAKAR

Publié le par Dominique

Voilà le DAKAR 2012 terminé, la fête est finie. Pour mon ami Charles et moi tout s’est arrêté prématurément le 5° jour. Le Dakar est une épreuve extrêmement exigeante et difficile, il se doit de l’être et de l’avis des experts, celui-ci était particulièrement corsé. Nous nous étions préparés au mieux et je crois que nous étions prêts à affronter ce qui nous attendait. Pour autant, il faut quand même bien avouer que j’ai souffert mais, 600 à 800 kms de moto par jour par une température moyenne d’environ 40°c, ça laisse forcément quelques traces. Cependant, la nature humaine est bien faite comme on a coutume de le dire et après 3 jours d’adaptation, je commençais à m’habituer à ce régime.

La déception a été grande même si je savais parfaitement avant de partir que j’avais à peu prés une chance sur deux de voir l’arrivée à Lima. Les raisons d’abandonner sont multiples et toutes sont de mauvaises raisons, explicables après coup et regrettables. Je ne saurai donc jamais si j’aurais pu éviter ce couperet. J’ai été trahi par ma mécanique (casse moteur) et  je me console en me disant que je n’ai pas démérité et que c’est toujours préférable à un accident. Au moins, je suis rentré en bonne santé et c’est bien l’essentiel.

J’ai été très touché par le soutien de tous les gens qui ont suivis notre participation et ravi d’avoir suscité cet intérêt pour  ce Dakar pendant quelques jours. Combien m’ont dits : » On ne suivait pas avant mais, comme tu y étais, on a regardé à la télévision tous les jours ». J’aurais tellement aimé animer ce début Janvier quelques jours de plus, jusqu’à Lima !

J’ai rédigé un petit carnet de route de ces quelques jours pour faire partager une dernière fois mon expérience à ceux qui le veulent et raconter mon Dakar tel que je l’ai vécu derrière mon guidon.

Un grand merci à tous et mes meilleurs vœux pour 2012. 

*31/12/2011 – Podium de départ :

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Une foule impressionnante pour cette cérémonie de départ qui nous fait longer la corniche de Mar Del Plata pour atteindre le podium de départ sur lequel nous passons chacun notre tour. Situation totalement inhabituelle pour nous : les caméras, les photos, les autographes à signer à la pelle ! le public Argentin est fabuleux, pour eux nous sommes tous des héros et nous profitons avec surprise et bonheur de tous ces encouragements.

*01/01/2012 – 1° Etape – Mar Del Plata – Santa Rosa de la Pampa :

Après une soirée de réveillon « monacale »,  nous voilà de bon matin partis pour la première étape. On débute par une liaison de 150 kms et le public est déjà là. En quittant la ville, à chaque feu rouge auquel on doit s’arrêter, il faut signer un autographe ou faire une petite photo, un véritable délire alors qu’il est 6 heures du matin ! Départ  en bord de mer pour une petite spéciale de 57 kms qui ne doit pas poser de problème. Un petit passage de dunes permet de reprendre contact avec le sable et retrouver ces sensations. La fin de spéciale est beaucoup moins drôle car on roule dans une poussière opaque soulevée par toutes les motos. C’est très dangereux et je choisis avec prudence de finir en roue libre les quelques derniers kilomètres. Je me fais doubler par une poignée de motards qui roulent à fond et à l’aveuglette dans la poussière. J’apprendrai un peu plus tard qu’un motard c’est tué dans cette zone. .. C’est trop moche et rien ne vaut d’en arriver là. A la sortie de la spéciale, je retrouve mon équipe d’assistance qui m’apprend que Charles est en panne dans la spéciale après seulement 10 kms : la catastrophe, je ne veux pas y croire, pas le premier jour ! C’est la grande crainte de chacun : L’abandon le 1° jour mais, malheureusement ça n’arrive pas qu’aux autres ! Je pars pour 600 kms de liaison en espérant que Charles va se tirer de ce mauvais pas. Il fait très chaud, il y a du vent et je n’arrête pas de penser à ça. Le soir à quelques kilomètres de l’arrivée  Charles nous rattrape… Ouf ! Une journée de faite !...mais on ne saura jamais pourquoi  Charles est tombé en panne !

*02/01/2012 – 2° Etape – Santa rosa de la Pampa – San Rafael :

Départ aux aurores pour commencer par une liaison d’environ 400 kms (c’est long !) . La spéciale démarre bien et nous prenons un peu confiance. Avant le ravitaillement d’essence, j’arrive sur l’accident d’un pilote qui a percuté une vache. La scène fait peur, la vache est morte, la moto brûle, les secours sont déjà arrivés et j’espère que le pilote n’a rien de trop grave. A mi-parcours, j’échappe de peu aux gros ennuis : Il me semble que mon instrumentation bouge beaucoup et je suis en train de perdre le carénage de la moto. Je m’arrête et je m’aperçois qu’une des deux vis qui tient le support principal d’instrumentation est totalement dévissée et à 2mm de tomber.  Je récupère un écrou sur un élément non vital de la moto et revisse le tout. Une  bonne demi-heure perdue mais j’ai évité de justesse un gros souci. Sur la fin de spéciale nous abordons les dunes de Nihuil. Elles se passent sans problème car le sable est relativement porteur mais, la piste sablonneuse qui précède et celle qui suit le cordon de dunes sont exténuantes d’autant plus que la chaleur est écrasante.  Je pêche un peu par excès d’optimisme, évalue mal la longueur de la difficulté et je sors de la spéciale « bien cuit ». Je suis loin d’être le seul, certains sont au bord de l’hyperthermie et une dizaine de motards seront déjà éliminés ce 2° jour. L’ami Sylvain échappe de peu à la correctionnelle, il a été obligé de changer un injecteur sur la moto dans les dunes. Fort heureusement les mécanos nous en avaient donné un en pièce de rechange la veille au soir. Pour ce qui concerne Frans, notre pilote élite, il est rentré  au bivouac depuis déjà bien longtemps. Comme on a coutume de le dire, il y a deux courses dans la course, celle des amateurs et celle des pros.  Pour lui, les kilomètres défilent beaucoup plus vite et nous ne jouons décidemment pas dans la même cour. Pour autant, et malgré la concentration dont il a besoin, Frans n’est jamais avare d’un conseil ou d’un petit mot d’encouragement.

*03/01/2012 – 3° Etape – San Rafael – San Juan :

03-01-12_dominique_detang.jpgDépart  toujours  matinal pour une petite liaison de mise en jambe de 290 kms! Je rattrape Sylvain qui est en panne au bord de la piste. Petite frayeur, c’est en fait simplement un raccord de durit d’essence qui était mal clipsé.  La spéciale est magnifique mais difficile, des cailloux et encore des cailloux dans des rios que nous remontons pour finir par passer un col à plus de 3500m. Je roule en binôme avec Charles, c’est vraiment de l’enduro mais aujourd’hui, l’avantage est qu’à ces altitudes, les températures sont beaucoup plus supportables. Quelques petites erreurs de navigation nous font perdre un peu de temps mais globalement, la journée se passe bien et sans panne. On termine la journée en redescendant à San Juan ou on retrouve la fournaise. Tout le monde est content car aujourd’hui, Frans termine 2° de l’étape. Sans un petit problème technique, il gagnait l’étape facilement.

*04/01/2012 – 4° Etape - San Juan – Chilecito :

Comme d’habitude, on commence par une petite liaison de 300 bornes en guise d’échauffement ! Finalement, on s’aperçoit que l’on commence à prendre le pli du rythme infernal imposé. Le début de spéciale se déroule bien, ensuite nous roulons dans des rios ou il reste pas mal d’eau étant donné les récente précipitations. Nous retrouvons la Sylvain qui est en panne car sa moto cale à chaque fois qu’il passe dans l’eau. Nous l’aidons à redémarrer avec des câbles mais il y a de nombreux passages à gué et au bout d’un moment nous craignons que nos batteries commencent aussi à faiblir. Finalement nous laissons Sylvain auprès d’une voiture d’un spectateur qui se trouvait la. Nous enchainons ensuite par toute une partie dans des canyons magnifiques ou c’est un vrai plaisir de rouler. Malheureusement la fin de spéciale nous réserve quelques surprises. Comme nous avons pris 1 bonne heure de retard pour aider Sylvain nous sommes rattrapés par les camions et les 30 derniers kilomètres de piste deviennent un enfer. La piste est littéralement défoncée et chaque passage d’un mastodonte nous oblige à nous arrêter et attendre que la poussière se dissipe. Sur les 5 derniers kilomètres, ma moto montre des pertes de puissance importantes à tel point que par moment,  je n’arrive plus à avancer. Je sors de la spéciale in-extrémis, « sur l’élan ». J’attends mes deux compères qui me suivent pour faire la liaison jusqu’au bivouac mais avant de rentrer, je serai obligé de changer un injecteur aidé par Sylvain. Bilan : Avec tous nos tracas, nous rentrons au bivouac à 22 heures. Ca n’arrange pas nos affaires pour gagner quelques heures de sommeil.

*05/01/2012 – 5° Etape – Chilecito – Fiambala :

On commence à prendre nos petites habitudes, réveil très matinal comme les jours précédents. La nuit dernière, les mécanos ont changés le moteur de Charles qui faisait des bruits suspects. Il part donc ce matin avec un moteur tout neuf. Le début d’étape nous fait emprunter une piste sablonneuse qui nous emmène dans un passage de dunes, les fameuses dunes de Fiambala ! Encore frais en ce début de journée, nous négocions la difficulté tranquillement et sans soucis. A la sortie des dunes (km 40), je vois Charles qui s’arrête.  Sa moto a calé subitement,…..elle ne repartira jamais ! Pendant 2 heures nous cherchons en plein soleil et en vain les causes de cette panne sans trouver aucune solution (c’était en fait l’allumage de grillé et nous ne pouvions de toute façon rien faire.). D’un commun accord, je finis par me résoudre à abandonner Charles à son triste sort.

La suite de la spéciale est une alternance de pistes sablonneuses entrecoupées de remontées dansDAKAR-2012-013.JPG des grands rios (rivières asséchées). Aux environs du km 100, le road-book indique de quitter le rio dans lequel je me trouve par une petite piste sinueuse dans une gorge. Toutes les traces convergent dans le même passage, aucun doute et je m’engage dans cet espèce de coupe-gorge qui ressemble à un terrain de moto-cross et  enchaine les virages dans du sable mou. Comme il faut un minimum de vitesse dans le sable, j’attaque comme un damné, je vais par deux fois au tapis mais globalement, je m’en sors pas trop mal. A un moment, je passe devant un petit groupe de motards en panne et je suis étonné de reconnaitre 2 pilotes qui sont des gens d’un bien meilleur niveau que moi ! Je sors de ce piège par un passage qui abouti sur un plateau, tout content d’en avoir échappé et je m’arrête vers un pilote dont la moto a brulé ! Celui-ci m’indique la bonne trace pour poursuivre ma route. Dans l’intervalle, j’ai bien remarqué que ma moto montre quelques signes de faiblesse. Visiblement elle chauffe et en plus je n’ai plus de commande d’embrayage. Dans la partie roulante qui suit, j’en profite pour essayer de ventiler et refroidir la moto (et le pilote !) en roulant tranquillement. Un peu plus loin, on reprend une piste en sable qui arrive près d’un village où un petit groupe de motards est arrêté à l’ombre près de locaux qui sont venus pour nous encourager et nous donner de l’eau.DAKAR-2012-023.JPG J’en profite pour boire, reprendre mes esprits et remplir mon camel-bag qui est vide. Je réalise alors que sans eux et donc sans eau, il serait sans doute difficile de continuer.

 Quand je repars, j’ai beaucoup de mal à démarrer la moto, puis je m’aperçois qu’elle chauffe de plus en plus et que je perds de la puissance. Je m’arrête à plusieurs reprises pour laisser refroidir et chercher la cause de mes ennuis. Je finis par m’apercevoir que j’ai perdu beaucoup de liquide de refroidissement, ce qui n’est vraiment pas bon signe. Je tente de remettre de l’eau dans mes radiateurs mais ma moto rend son dernier souffle dans une piste de fesh-fesh , moteur serré, joint de culasse, je ne sais pas exactement, en plus je n’ai plus de batterie mais, une chose est claire, elle est morte et je ne pourrai pas repartir d’ici par mes propres moyens. Heureusement, mais sans le savoir, je suis tout près d’un village. Il y a quelques locaux à cheval qui me tirent un peu plus loin. Je passe un moment vers eux à tourner la situation dans ma tête. Il y a quelques gamins qui s’amusent à mettre mon casque et me tapent dans le dos, des femmes qui me prennent en photo avec leur portable et le patriarche qui compatis à mon triste sort…. et gronde les gamins. Je réussis à joindre Nicolas au téléphone (ça passe !) qui me demande de trouver un moyen pour rejoindre la route du parcours d’assistance pour qu’ils puissent venir me dépanner. Malheureusement, je ne sais pas vraiment où je me trouve et les explications par geste avec les locaux sont compliquées.  Au bout d’un moment je comprends que nous sommes tout proche d’une route qui conduit, 2 ou 3 kms plus loin, à un contrôle de passage (CP). Une jeune fille reviens à cheval et me tire la moto sur 1 km  jusque vers la route ou m’attends un policier local avec un pickup.  Nous chargeons la moto et il me conduit jusqu’au CP. Décidemment, ce n’est vraiment pas une légende, les gens sont extraordinairement gentils et serviables avec nous.

Au CP, je croise la route d’un des camions balais qui  remonte la piste à l’envers. Ils auront du boulot cette nuit là car ils vont charger 22 motos. Je ne vois pas comment m’en sortir, ils me disent que la route pour rejoindre mon assistance est loin et que de toute façon, si je ne termine pas la spéciale, je serai mis hors-course. Ne voyant pas d’autre alternative, je me résous la mort dans l’âme à laisser partir la moto dans le camion balai. … C’est donc bien fini pour moi !  Beaucoup plus tard dans la nuit, je rentre au bivouac dans la voiture de l’organisation qui était au CP1. Comme un clochard avec mes affaires de moto dans un grand sac plastique, je vais mettre un bon moment à trouver le camion de mon équipe au milieu de tous ces véhicules. Tout le monde dors ! DAKAR-2012-027.JPGHeureusement, sur le nombre, il y en a un qui a eu une petite pensée pour nous et a monté notre tente et gonflé un matelas, c’est notre ami pilote Sylvain! Lui s’en est très bien tiré et a terminé cette étape meurtrière à une très belle place. Le lendemain matin, j’entrevois pendant quelques minutes une mince possibilité de sauvetage de mon Dakar car, l’étape du jour est annulée et puis la légère confusion engendrée par l’hécatombe de la veille me laisse espérer une possibilité de repêchage. La moto est revenue et Laurent et Georges essaient de la dépanner directement sur le camion balai mais, le constat est sans appel : pour repartir il faudrait changer le moteur…….. Je dois jeter l’éponge définitivement !

Dans les deux jours qui suivent, nous décidons d’un commun accord avec Charles qu’il est préférable pour nous de rentrer. La déception, une certaine amertume, un sentiment d’incompréhension et d’indifférence nous poussent à regagner notre Bourgogne. Après une nuit en bus pour regagner Santiago du Chili puis une nuit dans l’avion, nous retrouvons nos petites familles pour suivre le reste du Dakar à la télé…. Ca n’est pas tout à fait ce que nous avions imaginé !

 

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C
bravo bon dakar moi aussi se serait mon réve de faire le dakar quand je serais plus grand bien sur car je n'ai que 11 ans mais une question combien vaut la licence pour pouvoir faire le dakar !!!<br /> MERCI
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E
Bravo d'avoir déja réussi à aller jusque-là avec des montures semble-til pas franchement très au point (on se rend compte que vous n'avez pas eu un jour sans ennui mécanique,!!!!). Il faut te dire<br /> que tu y as appris plein de choses et que tu vas pouvoir préprarer le prochain sereinement en t'évitant les problèmes que tu as rencontré: tu nous as fait réver pendant 5 étapes, on compte tous sur<br /> toi pour nous faire réver l'an prochain pendant 2 semaines
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